La Commission européenne remet en cause le traitement fiscal appliqué par l'Espagne aux propriétaires immobiliers non résidents

October 6, 2025

La Commission européenne remet en cause le traitement fiscal appliqué par l'Espagne aux propriétaires immobiliers non résidents

La Commission européenne a lancé une procédure formelle contre l'Espagne concernant sa politique fiscale affectant les propriétaires immobiliers non-résidents. Le problème se concentre sur l'impôt sur le revenu imputé appliqué aux propriétés de personnes qui n'ont pas de résidence fiscale en Espagne, même lorsque ces propriétés servent de résidences principales.

Qu'est-ce que l'impôt sur le revenu imputé ?

La législation fiscale en Espagne comprend une disposition sur le revenu imputé, un concept fiscal qui attribue un avantage économique théorique aux propriétaires basé sur la valeur de posséder et d'occuper une propriété. Ce n'est pas un impôt sur les revenus locatifs réels, mais un avantage présumé calculé comme un pourcentage de la valeur cadastrale de la propriété - généralement 2%, ou 1,1% si la valeur cadastrale a été mise à jour au cours des dix dernières années.

La logique derrière cet impôt est que la propriété immobilière procure un avantage économique au propriétaire, similaire à l'avantage qu'il recevrait en louant la propriété ou en n'ayant pas à payer de loyer pour vivre ailleurs. Ce revenu imputé est alors soumis à l'imposition.

Bien que cette réglementation s'applique tant aux résidents qu'aux non-résidents, il existe une différence cruciale dans son application. Les résidents espagnols peuvent déclarer leur résidence principale comme exonérée de ce calcul de revenu imputé et ne payer que pour les propriétés secondaires. Les non-résidents, cependant, ne peuvent pas réclamer cette exonération, même lorsque la propriété fonctionne comme leur résidence principale dans la pratique.

La position de la Commission européenne

Bruxelles a exprimé sa préoccupation, considérant que ce traitement fiscal viole les principes fondamentaux de l'UE, spécifiquement la libre circulation des travailleurs et des capitaux selon les articles 45 et 63 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, ainsi que les articles 28 et 40 de l'Accord sur l'Espace économique européen.

La Commission souligne que les non-résidents sont désavantagés fiscalement par rapport aux résidents dans des situations similaires. Cela signifie que les personnes vivant hors d'Espagne - qu'ils soient citoyens de l'UE, de l'EEE ou de pays tiers - et qui possèdent une propriété en Espagne, doivent payer des impôts sur le revenu imputé, même s'ils utilisent ce logement comme leur résidence réelle.

En d'autres termes, alors que les résidents espagnols peuvent exclure leur logement habituel de cet impôt, les non-résidents n'ont pas cette option. Cela génère un traitement inégal, particulièrement pour les expatriés ou professionnels qui travaillent hors d'Espagne, qui sont obligés de payer des impôts sur cet avantage imputé malgré l'utilisation de la propriété comme leur résidence réelle.

Quelle est la position de l'Espagne sur cette question ?

Concernant les non-résidents avec des propriétés en Espagne, le débat principal tourne autour de la définition que la loi fiscale espagnole fait de la "résidence habituelle ou première résidence". Par définition, un non-résident ne peut pas avoir sa résidence habituelle en Espagne, car la loi établit des critères très spécifiques pour être considéré comme résident fiscal.

Les autorités espagnoles argumentent souvent qu'il n'y a pas de traitement inégal à cet égard. Pourquoi ? Parce que les résidents fiscaux espagnols paient également des impôts sur les propriétés qu'ils possèdent à l'étranger, même si cette propriété est leur seul actif immobilier. En d'autres termes, tant les résidents que les non-résidents sont soumis à des règles qui imposent les propriétés situées en dehors de leur "résidence habituelle" :

  • Les résidents en Espagne paient des impôts sur leurs propriétés à l'étranger.
  • Les non-résidents paient des impôts sur leurs propriétés en Espagne

La procédure d'infraction

La Commission européenne a envoyé à l'Espagne une lettre de mise en demeure formelle, étant la première étape d'une possible procédure officielle d'infraction. Les autorités espagnoles ont maintenant deux mois pour répondre et aborder les préoccupations soulevées par Bruxelles.

Si la réponse de l'Espagne est considérée insatisfaisante, la Commission peut émettre un avis motivé, donnant à l'Espagne un délai supplémentaire pour modifier sa législation. Le non-respect pourrait résulter en ce que le cas soit renvoyé à la Cour de justice de l'Union européenne, augmentant ainsi les possibilités que des sanctions économiques soient imposées à l'Espagne.

Qu'est-ce qui pourrait changer ?

L'Espagne devra réviser sa législation concernant l'impôt sur le revenu des non-résidents (IRNR) et possiblement l'impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPF) pour s'assurer que les non-résidents ne reçoivent pas un traitement fiscal moins favorable que les résidents. La modification la plus probable impliquerait de redéfinir le concept fiscal de "résidence habituelle" pour permettre aux non-résidents de démontrer que leur propriété remplit ce but, même s'ils ne sont pas résidents fiscaux en Espagne.

Les contribuables peuvent-ils réclamer des remboursements ?

Bien qu'aucune résolution judiciaire définitive n'ait encore été atteinte, si l'on confirme que le traitement différentiel est contraire à la législation de l'UE, les contribuables affectés pourraient présenter des réclamations pour récupérer les montants payés dans les années fiscales non prescrites. Cependant, le droit aux remboursements n'est pas automatiquement garanti et dépendra de la réponse de l'Espagne et de tout éventuel arrêt de la Cour de justice de l'UE.

Ce cas souligne le besoin continu d'un traitement fiscal harmonisé au sein de l'Union européenne, assurant que les citoyens ne soient pas pénalisés selon leur lieu de résidence en remplissant leurs obligations fiscales.

Quelles sont les prochaines étapes attendues ?

À ce stade, les normes fiscales espagnoles préexistantes restent les mêmes. Cela signifie :

  • Les propriétaires non-résidents doivent continuer à présenter le Modèle 210 pour l'impôt sur le revenu imputé comme d'habitude.
  • Il n'existe pas encore d'option pour demander des remboursements ; toute réclamation ne sera possible que si le processus de l'UE se conclut par un arrêt contre l'Espagne.