Conséquences fiscales des successions et donations pour les non-résidents en Espagne
May 22, 2025

L'impôt sur les successions et les donations (Impuesto sobre Sucesiones y Donaciones, ISD) est un impôt prélevé sur l'acquisition d'actifs et de droits par voie de succession, d'héritage ou de donation en Espagne. Cet impôt est particulièrement important pour les non-résidents qui héritent ou reçoivent des donations de biens situés en Espagne, car il peut avoir des implications financières significatives.
L'Espagne est devenue une destination attrayante pour de nombreux étrangers qui acquièrent des biens immobiliers, soit comme résidence secondaire, soit comme investissement. Selon les données du cadastre espagnol, les acheteurs étrangers représentaient environ 12,6 % de tous les achats immobiliers en Espagne en 2024. Cela a entraîné une augmentation des transferts immobiliers par héritage ou donation à des non-résidents, ce qui rend particulièrement important de comprendre le traitement fiscal applicable.
Caractéristiques principales de l'impôt
L'impôt espagnol sur les successions et les donations présente plusieurs caractéristiques distinctives :
- Impôt progressif : le taux d'imposition augmente à mesure que la base imposable augmente, allant de 7,65 % à 34 % selon la réglementation nationale.
- Impôt personnel : il tient compte de la situation personnelle du contribuable, telle que son lien de parenté avec le défunt ou le donateur et son patrimoine préexistant.
- Impôt transféré : les pouvoirs réglementaires ont été partiellement transférés aux communautés autonomes, qui peuvent établir leurs propres réductions, bonus, déductions et taux d'imposition.
- Impôt direct : il taxe l'augmentation du patrimoine de l'héritier, du légataire ou du donataire.
Événements imposables
L'ISD est prélevé sur les événements imposables suivants :
- Acquisitions mortis causa : acquisitions d'actifs et de droits par succession ou legs, ainsi que les prestations d'assurance-vie lorsque le bénéficiaire est différent du preneur d'assurance.
- Acquisitions inter vivos : acquisitions d'actifs et de droits par donation ou toute autre transaction juridique à titre gratuit et inter vivos.
Cadre juridique et évolution réglementaire
L'impôt sur les successions et les donations en Espagne est régi par la loi 29/1987 du 18 décembre et son règlement d'application (décret royal 1629/1991). Toutefois, cet impôt est partiellement transféré aux communautés autonomes, qui peuvent établir leurs propres réductions, abattements, déductions et taux d'imposition.
Décisions judiciaires clés
Plusieurs décisions judiciaires ont joué un rôle déterminant dans l'élaboration du cadre juridique actuel :
Arrêt de la CJUE du 3 septembre 2014 (affaire C-127/12) : cet arrêt a déclaré que l'Espagne avait enfreint la réglementation européenne en discriminant les non-résidents de l'UE. La Cour a estimé que cette discrimination violait le principe de libre circulation des capitaux établi à l'article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE). La Cour a fait valoir que la situation d'un héritier résident et d'un héritier non-résident pouvait être comparable lorsque les deux héritaient d'un bien situé en Espagne et que, par conséquent, la différence de traitement fiscal n'était pas justifiée.
Arrêt de la Cour suprême espagnole du 19 février 2018 : Cet arrêt a étendu le droit d'appliquer les réglementations régionales aux résidents de pays tiers (hors UE/EEE). La Cour suprême a fondé sa décision sur le fait que la libre circulation des capitaux, contrairement à d'autres libertés fondamentales, s'applique également aux pays tiers. La Cour a estimé que la discrimination à l'égard des résidents de pays tiers violait l'article 63 du TFUE et que l'administration fiscale espagnole ne pouvait maintenir cette discrimination après l'arrêt de la CJUE.
Arrêt de la Cour constitutionnelle du 18 février 2016 : cet arrêt portait sur la constitutionnalité des différences de traitement fiscal entre les communautés autonomes. La Cour a estimé que les différences territoriales en matière fiscale étaient constitutionnelles, car elles résultaient de l'exercice légitime de l'autonomie fiscale des communautés autonomes dans le cadre établi par la Constitution et les lois.
Conséquences fiscales pour les non-résidents
Les non-résidents qui reçoivent des biens situés en Espagne par le biais d'un héritage ou d'une donation sont soumis à l'ISD espagnol. Les conséquences fiscales dépendent de plusieurs facteurs, notamment le type de biens, leur emplacement et la relation entre les parties concernées.
Champ d'application territorial de l'impôt
Pour les non-résidents, l'ISD ne s'applique qu'aux actifs et droits situés sur le territoire espagnol. Cela comprend :
- Les biens immobiliers situés en Espagne
- Les droits sur des biens immobiliers situés en Espagne
- Les actions dans des sociétés espagnoles
- Les comptes bancaires dans des institutions financières espagnoles
- Les autres actifs et droits qui peuvent être exercés ou doivent être exécutés sur le territoire espagnol
Point de connexion pour les réglementations applicables
Afin de déterminer quelles réglementations régionales appliquer, les points de connexion suivants sont établis :
Pour les successions
- Règle principale : Communauté autonome de résidence habituelle du défunt. Le défunt est considéré comme ayant sa résidence habituelle sur le territoire où il a séjourné le plus grand nombre de jours au cours des cinq années précédant son décès.
- Si le défunt n'était pas résident en Espagne : la réglementation de la communauté autonome où se trouve la plus grande partie de la valeur des biens et droits de la succession situés en Espagne sera appliquée.
- Exemple : si un citoyen britannique qui n'était pas résident en Espagne possédait des biens immobiliers à Madrid (d'une valeur de 300 000 €) et à Valence (d'une valeur de 200 000 €), la réglementation de la Communauté de Madrid s'appliquerait à l'ensemble de la succession.
Pour les donations (dons)
- Pour les biens immobiliers : Communauté autonome où se trouve le bien immobilier. Si le bien immobilier est situé dans différentes Communautés autonomes, chaque bien sera imposé selon la réglementation de la Communauté où il se trouve.
- Pour les autres biens et droits : Communauté autonome où le donataire a sa résidence habituelle. Si le donataire n'est pas résident en Espagne, la réglementation de la Communauté autonome où le donataire avait sa dernière résidence en Espagne sera appliquée. S'il n'a jamais été résident en Espagne, la réglementation de la Communauté autonome où se trouvent les biens ou droits donnés sera appliquée.
- Exemple : si un résident français fait don d'un appartement à Barcelone à son fils (également résident en France), la réglementation de la Catalogne s'appliquera.
Remarque importante : s'il n'y a aucun lien avec une communauté autonome, la réglementation nationale s'appliquera. Cela peut être le cas, par exemple, pour les donations de biens mobiliers à des non-résidents qui n'ont jamais été résidents en Espagne et lorsque les biens ne sont pas clairement situés dans une communauté autonome spécifique.
Imposition des biens immobiliers pour les non-résidents
Les biens immobiliers constituent l'un des actifs les plus couramment hérités ou reçus en donation par les non-résidents en Espagne. L'imposition de ces biens présente des caractéristiques spécifiques qu'il est important de comprendre.
Évaluation des biens immobiliers
Depuis 2022, avec l'entrée en vigueur de la loi 11/2021, l'administration utilise la valeur cadastrale de référence comme référence pour l'évaluation des biens immobiliers. Cette valeur est déterminée sur la base des prix communiqués par les notaires publics lors des transactions immobilières.
La valeur cadastrale de référence peut être consultée sur le siège électronique du cadastre (Sede Electrónica del Catastro). Cette valeur est calculée sur la base des informations disponibles dans le cadastre et est mise à jour chaque année.
Il est important de noter que le contribuable peut contester cette valeur s'il estime qu'elle ne correspond pas à la valeur réelle du bien. Dans ce cas, il doit fournir des preuves à l'appui d'une évaluation différente, telle qu'une expertise.
Éléments déductibles
Lors du calcul de la base imposable d'un bien immobilier, certains éléments peuvent être déductibles, selon qu'il s'agit d'un héritage ou d'une donation.
Éléments déductibles dans les donations
- Charges et servitudes : seules les charges qui diminuent la valeur réelle du bien sont déductibles. Les charges qui constituent une obligation personnelle de l'acquéreur ne sont pas déductibles.
- Dettes : les dettes contractées par le donateur ne sont pas déductibles. Cela signifie que si un bien est donné avec une hypothèque, le donataire sera imposé sur la valeur totale du bien, sans déduction du solde de l'hypothèque.
- Imposition supplémentaire : dans le cas des donations, le donateur peut également être soumis à l'impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPF) pour la plus-value réalisée (différence entre la valeur d'acquisition et la valeur de cession). En outre, le donataire doit payer l'impôt municipal sur les plus-values immobilières (IIVTNU) pour l'augmentation de la valeur du terrain.
Éléments déductibles dans les successions
- Charges et gages : charges qui diminuent la valeur réelle du bien, telles que les servitudes, les usufruits ou autres droits réels.
- Dettes : les dettes garanties par le bien (par exemple, les hypothèques) sont déductibles si elles sont dûment documentées. La déduction est limitée à la part de la dette qui correspond à l'héritier, en fonction de sa participation à l'héritage.
- Frais : les frais liés à la dernière maladie, aux obsèques et aux funérailles du défunt sont déductibles s'ils sont dûment documentés et n'ont pas été couverts par une assurance.
Taxes supplémentaires sur les transferts immobiliers
Outre les droits de succession et de donation, la transmission d'un bien immobilier peut être soumise à d'autres impôts :
- Impôt municipal sur les plus-values (IIVTNU) : cet impôt est prélevé sur la plus-value des terrains urbains constatée lors de leur transmission. Il est à la charge de l'héritier ou du donataire et est calculé sur la base de la valeur cadastrale du terrain et du nombre d'années écoulées depuis la dernière transmission.
- Impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPF) : dans le cas d'une donation, le donateur peut être soumis à l'IRPF pour la plus-value réalisée. Cette plus-value est calculée comme étant la différence entre la valeur d'acquisition et la valeur de cession du bien.
- Impôt sur le revenu des non-résidents (IRNR) : les donateurs non-résidents peuvent être soumis à l'IRNR au lieu de l'IRPF pour la plus-value réalisée.
Taux d'imposition et réglementations par communautés autonomes
Les taux d'imposition et les réglementations varient considérablement d'une communauté autonome à l'autre. Cette section se concentre sur les quatre communautés spécifiquement demandées : Valence, Baléares, Andalousie et Canaries.
Méthode générale de calcul de l'impôt
L'ISD est calculé en appliquant un barème progressif à la base imposable, qui est ensuite multipliée par un coefficient basé sur le degré de parenté et le patrimoine préexistant de l'héritier ou du donataire.
Les groupes de parenté sont définis comme suit :
- Groupe I : Descendants et enfants adoptés âgés de moins de 21 ans.
- Groupe II : Descendants et enfants adoptés âgés de 21 ans ou plus, conjoints et ascendants.
- Groupe III : Parents collatéraux au deuxième et troisième degrés (frères et sœurs, neveux, nièces, oncles, tantes) et ascendants et descendants par alliance.
- Groupe IV : parents collatéraux au quatrième degré (cousins), parents plus éloignés et étrangers.
Différences entre les droits de succession et les droits de donation dans les principales régions espagnoles
En Espagne, les droits de succession et les droits de donation (Impuesto sobre Sucesiones y Donaciones – ISD) sont réglementés à la fois au niveau national et régional, ce qui entraîne des différences importantes selon la localisation des biens ou des héritiers. Vous trouverez ci-dessous une brève comparaison des principales différences fiscales entre quatre régions clés :
Valence : offre des réductions et des abattements généreux pour les parents proches. Les conjoints, les enfants et les parents (groupes I et II) bénéficient d'une réduction fiscale de 75 %. Il existe également des réductions substantielles de la base imposable, telles que 100 000 € pour les enfants de moins de 21 ans et 156 000 € pour les héritiers handicapés.
Îles Baléares : applique des taux d'imposition progressifs, mais les parents proches peuvent bénéficier de bonus pouvant aller jusqu'à 100 % pour les héritages, en fonction de leur valeur. Les droits de donation sont également réduits pour les membres de la famille directe, mais les successions sont nettement plus avantageuses que les donations.
Andalousie : Connue pour son régime très favorable. Les conjoints, les enfants et les parents bénéficient d'un abattement fiscal de 99 %, tant pour les successions que pour les donations. En outre, il existe des exonérations élevées sur la base imposable, ce qui rend de nombreuses successions et donations effectivement exonérées d'impôt pour les parents proches.
Îles Canaries : offrent une réduction de 99,9 % pour les conjoints, les enfants et les parents, tant pour les héritages que pour les donations. Toutefois, il existe des limites basées sur la valeur de la succession ou de la donation, et les parents éloignés bénéficient de beaucoup moins d'avantages.
Avantages communs à toutes les régions
La plupart des régions offrent des réductions importantes (généralement de 95 à 99 %) pour :
- La résidence familiale (résidence habituelle)
- Les entreprises familiales
- Les exploitations agricoles
- Réductions supplémentaires pour les personnes handicapées
Considérations importantes
- La législation change fréquemment, il est donc essentiel de vérifier la réglementation en vigueur au moment de la succession ou de la donation.
- La relation entre le donateur/défunt et le bénéficiaire est déterminante pour déterminer les avantages applicables.
- Bien que ces avantages s'appliquent aussi bien aux non-résidents qu'aux résidents, les non-résidents peuvent être soumis à des exigences procédurales supplémentaires.
Ces variations régionales offrent des possibilités de planification fiscale, mais rendent également le système plus complexe à naviguer. Les différences entre les régions peuvent entraîner des charges fiscales très différentes selon l'emplacement des biens hérités ou donnés.
Conditions générales pour bénéficier des avantages fiscaux
Pour que les non-résidents puissent bénéficier de ces avantages fiscaux, certaines conditions doivent généralement être remplies :
- Conditions de parenté : la plupart des avantages sont réservés aux parents proches (groupes I et II).
- Maintien de l'acquisition : dans le cas d'entreprises familiales ou de biens immobiliers faisant l'objet d'une réduction, une période de maintien est généralement exigée (généralement 5 ans).
- Préexistence du bien : dans certains cas, il est exigé que le bien ait appartenu au défunt ou au donateur pendant une période minimale (généralement 2 ans).
- Formalisation dans un acte public : dans le cas des donations, il est généralement exigé qu'elles soient formalisées dans un acte public.
Différences entre résidents et non-résidents
Bien que la législation ait évolué pour éliminer toute discrimination, il existe encore certaines différences pratiques entre résidents et non-résidents en matière d'impôts sur les successions et les donations en Espagne :
Aspect Résidents Non-Résidents
Administration Compétente Communauté Autonome Administration Centrale (AEAT)
Formulaires de Déclaration Formulaires régionaux Formulaires 650/651
Représentant Fiscal Non requis Requis (hors UE/EEE)
Lieu de Dépôt Bureaux régionaux Délégation AEAT
Procédure de déclaration et de paiement
Les non-résidents doivent suivre une procédure spécifique pour la déclaration et le paiement de l'ISD, qui diffère à certains égards de la procédure applicable aux résidents :
1. Dépôt de la déclaration
La déclaration est déposée à l'aide des formulaires 650 (successions) ou 651 (donations) auprès de la délégation de l'AEAT correspondant au lieu où se trouve le bien immobilier. Ces formulaires peuvent être obtenus sur le site web de l'AEAT ou dans les bureaux de l'AEAT. Ils doivent être remplis avec les données d'identification du contribuable, du défunt ou du donateur, ainsi que les biens et droits acquis.
2. Délai
- Héritages : 6 mois à compter du décès, prorogeable de 6 mois sur demande préalable. La prorogation doit être demandée avant la fin de la période initiale de 6 mois et est accordée automatiquement.
- Donations : 30 jours ouvrables à compter de la donation. Ce délai est nettement plus court que pour les héritages, ce qui souligne l'importance d'une bonne planification.
3. Documents requis
- Acte de décès (en cas d'héritage).
- Certificat du registre des actes testamentaires.
- Testament ou déclaration des héritiers.
- Acte authentique (dans le cas des donations).
- Inventaire des biens avec évaluation.
- Certificat de résidence fiscale de l'héritier/du donataire.
- Titre d'acquisition du bien immobilier par le défunt ou le donateur.
- Reçu de l'IBI (impôt foncier).
- Justificatifs des charges, dettes et dépenses déductibles.
4. Désignation d'un représentant fiscal
Obligatoire pour les non-résidents hors UE/EEE. La désignation doit être communiquée à l'administration fiscale au moyen du formulaire correspondant.
5. Auto-évaluation et paiement
Calcul de l'impôt en appliquant les réglementations correspondantes et paiement auprès d'un organisme collaborateur. Le paiement peut être effectué en espèces dans une agence bancaire espagnole ou par virement bancaire.
La navigation dans le système d'impôt sur les successions et les donations (ISD) en Espagne peut s'avérer complexe, en particulier pour les non-résidents, en raison de l'interaction entre les réglementations nationales et régionales, l'évolution des cadres juridiques et les exigences procédurales spécifiques. Toutefois, les récentes réformes juridiques ont uniformisé les règles du jeu, permettant aux non-résidents de bénéficier des mêmes avantages fiscaux régionaux que les résidents. Une planification adéquate, une évaluation précise et une bonne compréhension des règles applicables dans chaque communauté autonome sont essentielles pour minimiser la charge fiscale et garantir le respect total de la législation. En cas de doute, il est fortement recommandé de faire appel à un expert afin d'éviter des erreurs coûteuses et de profiter pleinement des avantages fiscaux disponibles.